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Eruditio Antiqua 9 (2017) : 33-44 UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES DÉCOUVERT À LYON EN MARS 2015 MURIEL PARDON-LABONNELIE (UNIVERSITÉ BOURGOGNE – FRANCHE-COMTÉ, LAMS) TONY SILVINO (ÉVEHA) CATHERINE LAVIER (LAMS UMR 8220) MARLÈNE AUBIN (LAMS UMR 8220 – MONARIS UMR 8233) RÉMI BRAGEU (LAMS UMR 8220) ELSA VAN ELSLANDE (LAMS UMR 8220) Résumé Un nouveau cachet à collyres, découvert à Lyon en mars 2015, présente des caractéristiques mὁrphὁlὁgiques et épigraphiques particulièremeὀt iὀtéressaὀtes pὁur l’histὁire de l’ὁphtalmὁlὁgieέ Abstract A new collyrium stamp, discovered in Lyon in March 2015, exhibits morphological and epigraphic characteristics which present crucial data for the history of ophthalmology. www.eruditio-antiqua.mom.fr MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES Daὀs l’Aὀtiquité grécὁ-romaine, on prescrivait des « collyres », c’est-à-dire des « petits pains »1. Avant durcissement, ces « collyres » étaient estampillés à l’aide de « cachets ». Les « cachets à collyres » (appelés aussi « cachets d’ὁculistes ») sont habituellement de petites pierres parallélépipédiques vertes, utilisées dans tout l’empire rὁmaiὀ durant les premiers siècles de notre ère. Les petites faces de ces tampons comportent des inscriptions gravées en caractères rétrogrades. Après impression, ces sortes de notices médicales étaient lisibles directement sur les remèdes. Lors de fouilles préventives menées par Éveha entre février et avril 2015, Tony Silvino a découvert un nouveau cachet à collyres dans le V e arrondissement de Lyon (1, rue Appian). Cette pierre sigillaire est, à notre connaissance, le trois cent quarante-sixième cachet receὀsé à l’heure actuelle2. Elle fait actuellement l’ὁbjet d’aὀalyses physicὁ-chimiques au δabὁratὁire d’Archéὁlὁgie εὁléculaire et Structurale (LAMS, UMR 8082 – Université Pierre et Marie Curie). Caractéristiques minéralogiques Marlène Aubin3 a analysé ce cachet par micro-diffraction des rayons X. Cette pierre a été taillée dans le même minéral que les vingt-neuf pierres analysées par Philippe Walter4, Yvan Coquinot5, Elsa Van Elslande et Hélène Rousselière6 au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF, Paris), au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France (Paris) et au musée archéὁlὁgique d’Este (Véὀétie)έ Ce miὀéral est vraisemblablement de la grauwacke (ou graywacke) à grain finέ Daὀs l’Égypte ancienne, il était extrait dans la carrière de Wadi Hammamat, le long de la route 1 Cf. PARDON-LABONNELIE 2013. 2 Iὀveὀtaire eὀ cὁurs d’élabὁratiὁὀ daὀs le cadre de la préparatiὁὀ de l’Habilitatiὁὀ à Diriger des Recherches de Muriel Pardon-Labonnelie. 3 Doctorante en chimie analytique au δabὁratὁire d’Archéὁlὁgie εὁléculaire et Structurale (LAMS, UMR CNRS 8220 – Université Pierre et Marie Curie) et au laboratoire « De la Molécule aux Nano-objets : Réactivité, Interactions et Spectroscopies » (Monaris, UMR 8233 – Université Pierre et Marie Curie). 4 Directeur de recherche au LAMS. 5 Iὀgéὀieur d’études au Centre de Recherche et Restauration des Musées de France (C2RMF). 6 Iὀgéὀieurs d’études au C2RMF, puis au LAMS. Eruditio Antiqua 9 (2017) 34 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES reliant la mer Rouge au Nil, et servait notamment à façonner les palettes à fards et les scarabées de cœur7. Caractéristiques morphologiques Le dernier cachet à collyres exhumé, complet, est parallélépipédique8. Ses dimensions hors-tout sont 42 x 25 x 9 mm. Contrairement à la majorité des exemplaires actuellemeὀt receὀsés, ce ὀ’est pas uὀ parallélépipède régulierέ Peutêtre la pierre a-t-elle été retaillée eὀ vue d’uὀ réemplὁi ὁu pὁur faciliter la préhension du cachet au moment de la prise des empreintes sur les collyres. Trois inscriptions figurent sur trois des quatre chants9 de la pierre. Des séries de lettres, réparties sur deux lignes, ont été gravées en caractères rétrogrades sur deux chants. Une lettre est directement lisible sur le troisième chant. δes deux plats ὀ’ὁὀt pas le même aspectέ δ’uὀ est lisse et présente des traces d’usure visibles à l’œil ὀu10έ δ’autre est rugueux et a reçu des chὁcs qui ὀ’ont pas été faits par des outils, mais qui résultent peut-être d’uὀe chute11. Tous deux ont des arêtes chanfreinées contiguës aux chaὀts pὁurvus d’iὀscriptiὁὀs gravées eὀ caractères rétrogrades : très légères sur le plat lisse, ces arêtes sont très marquées sur le plat rugueux. La pierre présente enfin une perforation. Il semble que le tailleur ait percé le cachet comme une perle : il a vraisemblablement fait un trou de chaque côté de la pierre à l’aide d’uὀe sὁrte de fὁret, puis prὁlὁὀgé et réuὀi les deux trous initiaux à l’aide d’uὀe limeέ Cette perforation est une particularité morphologique notable. En effet, à ὀὁtre cὁὀὀaissaὀce, ὀὁὀ seulemeὀt il ὀ’y a que six cachets perfὁrés sur les trὁis 7 Cf. WALTER – PARDON-LABONNELIE – VAN ELSLANDE – TSOUCARIS 2013, p. 83-95, pl. XIXIII. 8 Voir figure 1 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). 9 δe vὁcabulaire utilisé daὀs l’imprimerie ὀὁus a semblé aὀachrὁὀique et iὀapprὁprié pὁur distinguer et pour décrire les différentes faces des cachets μ l’esseὀtiel des iὀfὁrmatiὁὀs est apporté par les « tranches » des cachets et nous ne sommes pas encore en mesure de distinguer systématiquement leur « face supérieure » et leur « face inférieure ». Par commodité, nous avons donc provisoirement recouru au lexique employé par les artisans et désigné les grandes faces comme des « plats » et les petites comme des « chants ». 10 Voir figure 2 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). 11 Voir figure 3 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). Eruditio Antiqua 9 (2017) 35 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES cent quarante-six cachets receὀsés à l’heure actuelle12, mais la position quasiment centrale du trou est même sinon unique, du moins exceptionnelle13. On pourrait penser que ce cachet a été porté en pendentif comme amulette. Cepeὀdaὀt, l’emplacemeὀt du trὁu et l’abseὀce de traces d’usure sur sὁὀ pὁurtὁur indiquent que la pierre a été suspendue à un endroit fixe, sans doute pour pouvoir être retrouvée plus facilement dans une officine, au moment opportun. Cette perfὁratiὁὀ mὁὀtre eὀ tὁut cas que l’utilisateur du cachet ὀ’exerçait pas uὀe profession itinérante. Caractéristiques épigraphiques δ’iὀscriptiὁὀ dὁὀt le vὁlume est le plus impὁrtaὀt a été gravée sur le plus grand chant14. Le tracé de ses caractères est moins profond et plus large que le tracé des caractères gravés sur les quarante-six cachets conservés au Cabinet des médailles. Le texte, lisible sur les photographies en haute définition prises par Rémi Brageu15, peut être transcrit de la façon suivante : ASICIANIύ̣RATIẠ̣͡ ←16 PAREGORICADIε͡P ̣ ← C’est l’usure du plat lisse qui semble avὁir fait disparaître la partie supérieure de la lettre ύ̣ de la première ligne. Les caractères ont été gravés à partir d’uὀ dὁuble réglage préparatὁireέ Ce réglage étant plus profond à droite qu’à gauche et des lettres ligaturées (Ạ̣͡ et ε͡P ̣) concluant les deux lignes de caractères à gauche, les inscriptions ont été gravées de droite à gauche. Les ligatures en fin de ligne montrent que les caractères ont été gravés sans tracé préalable. Cependant, comme le double réglage préparatoire, les empattemeὀts, la verticalité des fûts, l’hὁrizὁὀtalité des traverses aiὀsi que la régularité des arrondis, des diagonales incurvées des R et des pointes des A attesteὀt le sὁiὀ appὁrté à l’exécutiὁὀ de l’iὀscriptiὁὀέ Le texte peut être transcrit et développé de la façon suivante : 12 Voir VOINOT, p. 72 (n° 21), 103 (n° 52), 104 (n° 53), 123 (n° 73), 155 (n° 104). 13 Il est possible que la perforation du cachet n° 21 soit centrale (VOINOT, pέ ιβ), mais il ὀ’est pas eὀcὁre pὁssible de l’affirmer car le cachet est eὀcὁre réputé perdu à ce jὁurέ 14 Voir figure 4 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). 15 Iὀgéὀieur système et dévelὁppemeὀt d’applicatiὁὀs scieὀtifiques et imagerie γD au δAεSέ 16 Signe diacritique utilisé par Luigi Taborelli et Silvia M. Marengo pour indiquer que les inscriptions sont rétrogrades. Voir par exemple TABORELLI – MARENGO 2017. Eruditio Antiqua 9 (2017) 36 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES A(uli) SICIANI ύ̣RATIẠ̣͡(i) | PAREGORIC(um) AD Iε͡P ̣(etum) ← « De Aulus Sicianus Gratianus, calmant, pour un accès. » Tripartite, le ὀὁm prὁpre attesté est celui d’uὀ citὁyeὀέ Au géὀitif, il désigὀe l’iὀveὀteur du remède ὁu, plus vraisemblablemeὀt, le praticien qui a confectionné et estampillé le collyre. Le praenomen Aulus et le nomen Sicianus sont courants dans le monde romain. Comme la majorité des noms de praticiens attestés sur les cachets à collyres, le cognomen ύratiaὀus ὀ’a saὀs dὁute pas été chὁisi par hasard puisqu’il est dérivé de l’adjectif gratus17 (« agréable »). Le nom du remède, paregoricum (« calmant »), rend le cachet particulièremeὀt iὀtéressaὀt daὀs la mesure ὁù ce terme ὀ’avait pas d’attestatiὁὀ épigraphique jusqu’à préseὀtέ Paregoricum figure, comme nom de remède, dans les textes médicaux latins attribués au Pseudo-Apulée, à Marcellus Empiricus et à Théodore Priscien18 (actifs au IVe et au Ve siècles de notre ère) et, comme nom de collyre, dans les ouvrages médicaux grecs attribués à Aétius d’Amida19 et à Alexandre de Tralles20 (actifs au VIe et au VIIe siècles de notre ère). D’après l’iὀscriptiὁὀ gravée sur le cachet exhumé des sous-sols de Lyon, le collyre « calmant » est prescrit ad imp(etum) « pour un accès » (d’affectiὁὀ oculaire). De même, Aétius d’Amida recὁmmaὀde le cὁllyre calmaὀt pὁur tὁute inflammation et Alexandre de Tralles prescrit le collyre calmant mou et très doux pὁur les patieὀts qui ὀe peuveὀt pas suppὁrter la prise de cὁllyresέ D’ailleurs, les deux recettes proposées dans les textes médicaux grecs cὁὀtieὀὀeὀt de l’ὁpium, uὀ sédatif qui eὀtre eὀcὁre daὀs la cὁmpὁsitiὁὀ de l’élixir parégὁrique actuellemeὀt prescrit pὁur cὁmbattre la diarrhéeέ δ’attestatiὁὀ épigraphique de ce ὀὁm de 17 Voir KAJANTO 1965, p. 282 ; SOLIN 1995, p. 119-142 ; SOLIN 1998-1999, p. 389-393. 18 PS.-AP., herb. 24 ; MARCELL., med. 36, 3 ; THEOD. PRISC., eup. faen. 2, 2, 86 ; 2, 33, 109. 19 AËT. 7,106 (Olivieri, CMG VIII 2, p. 369-370) μ Κ ῦ Β ᾶ πα ὸ π ϲ ϲ φ ῆϲ αὶ ϲυ π π έΨ υ ί υπ π υ υξ υ ξ ʹ πί υ ξ ʹ ἀ υ π ϲφ υ ξ ωϲ < ʹ, ὕ ω (« Collyre de Bolas, qui calme toute inflammation et qui fait digérer. 32 drachmes de céruse lavée ; 3 drachmes de safran ν 4 drachmes d’ὁpium ; 8 drachmes d’amidὁὀ frais ; 32 drachmes de gomme ; eau »). 20 ALEX. TRALL. (Puschmann II, p. 9) μ Κ πα ὸ υφ ὸ π ὸ ὺ ὴ υ α υ φ ὴ ῆ υ ίω αὶ απ ὸ ὰ π φ υ α έ Κα ία αυ αὶ ἐ α υ α ὸ αχέ ϛʹ·ἔ ὲ ἐφ π απ π π υ αῦ α αὶ ὕ ω α α α α έ Ψ ί υ π π υ υ ϛʹ υ αχέ ʹἐ ἄ ῳ αʹ πί υ αχέ ʹ α α ὐ έ ʹὕ α ίῳ ἀ α α · ἡχ ῆ ’ ὠ ῦ (« Collyre calmant doux pour ceux qui ne peuvent pas supporter la prise de collyres et surtout pour les états pathologiques récents. 16 drachmes de cadmie brûlée et éteinte par du lait de femme ν il serait préférable, à mὁὀ avis du mὁiὀs, qu’elle sὁit lavée avaὀt d’être brûlée et éteinte ainsi par le lait. 16 drachmes de céruse lavée ; 4 drachmes de safran ν 1 drachme d’ὁpium, 4 drachmes daὀs uὀe autre recette ; 2 onces de gomme adragaὀteέ Preὀds de l’eau de pluie cὁmme excipieὀtέ Utilisatiὁὀ avec de l’œuf »). Eruditio Antiqua 9 (2017) 37 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES collyre invite ainsi à réfléchir sur les modes de transmission du savoir médical dans le monde romain21. Il faut retourner le cachet pour lire le texte qui figure sur son chant contigu de droite22. La transcription de cette deuxième inscription est la suivante : GRATI*ṢẠ ← CTVDCVYCI ← Le tracé de ces caractères est aussi peu profond et aussi large que celui des caractères de la première inscription, mais il est en revanche irrégulier et peu lisibleέ ύravé saὀs réglage préparatὁire, ce texte ὀ’est pas l’ὁeuvre de la même main que le premier. Les empattements du premier T de la première ligne, qui sembleὀt fὁrcés, aiὀsi que l’arrὁὀdi du D de la secὁὀde ligὀe, qui a été gravé eὀ deux temps, dénotent peut-être un manque de savoir-faire en lithogravure. Seul le premier T ayant des empattements, il semble que cette inscription a été exécutée par deux individus. Pὁur le mὁmeὀt, seul le début de l’iὀscriptiὁὀ dὁὀὀe lieu à uὀe traὀscriptiὁὀ développée compréhensible : GRATI(ani)*ṢẠ|C̣TV(m) ← « De Gratianus, stactum. » Si l’iὀscriptiὁὀ semble avὁir été gravée par deux individus, le cachet paraît avoir été utilisé par un seul et même praticien. Ce chant étant restreint, les tria nomina sὁὀt réduits à l’abréviatiὁὀ du cognomen. Le nom du praticien est suivi d’uὀ mὁtif séparatif, uὀ sigὀe eὀcὁre mystérieux, qui figure égalemeὀt sur l’uὀ des plats d’uὀ cachet exhumé à Bavay23. Enfin, le terme stactum est la traὀslittératiὁὀ latiὀisée d’uὀ ὀὁm grec de cὁllyre « au vitriol »24. Les photographies en haute définition ne permettent pas de lire ensuite en ligature la préposition attendue ad (« pour ») et la série finale de lettres est pour le mὁmeὀt difficile à cὁmpreὀdreέ δ’iὀterprétatiὁὀ la mὁiὀs faὀtaisiste cὁὀsiste à retourner le cachet pour lire deux A sans traverse, un lambda minuscule, un C tracé pour un G et un I souscrit. En restituant un I après le lambda minuscule, on peut lire ΛD CΛλ[I]CI(nem), pour ad cal[i]gi(nem) (« pour le brouillard »). Cette 21 Voir PARDON-LABONNELIE 2009. 22 Voir figure 5 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). 23 Voir VOINOT 1999, p. 262 (n° 211). 24 Sur les attestations et sur le sens de ce nom de collyre, voir PARDON-LABONNELIE 2014, p. 112-114. Eruditio Antiqua 9 (2017) 38 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES expression désigne un effet thérapeutique escompté par la prescription de collyres stactum25. Sur le chant opposé à cette deuxième inscription figure un G directement lisible26. La facture de ce caractère diffère de celle des G inscrits sur les deux autres chants : il a donc été gravé sinon par une quatrième, du moins par une troisième main. On trouve parfois des initiales de noms propres gravées en caractères rétrogrades sur les chants et en caractères directs sur les plats des cachets. Ils désignent les propriétaires ou les utilisateurs des pierres27. Ainsi, ce G est très vraisemblablemeὀt de l’iὀitiale du cognomen Gratianus : il servait à repérer un praticien de réputation locale et non l’illustre iὀveὀteur d’uὀe recette de collyres paregoricum et stactum. Enfin, le quatrième chant du cachet présente une ébauche de trait séparatif d’uὀ côté et uὀe ébauche de dὁuble réglage préparatὁire de l’autre 28. Il est peutêtre anépigraphe en raison de son étroitesse et de l’irrégularité de sa fὁrme. Datation Ce cachet a été trouvé dans une parcelle du suburbium ouest de Lugdunum, dans un bâtiment artisanal qui a servi de zone de rejet dans le second quart du IVe siècle de notre ère. Ce contexte archéologique ne permet pas de le dater car on trouve, dans ce dépotoir, un mobilier très hétérogène, comprenant des éléments résiduels du Ier siècle de notre ère. Seuls les attestations tardives du terme paregoricum et le tracé inhabituel des lettres rétrogrades29 tendraient à confirmer une datation du cachet correspondant au contexte archéologique du second quart du IVe siècle de notre ère. Analyse des substances résiduelles Elsa Van Elslande a observé à la loupe binoculaire les résidus de matière conservés au bord du trou de suspension et dans les inscriptions rétrogrades. Comme les premiers semblaient constitués de grains moins fins que les seconds, 25 Voir VOINOT 1999, p. 58 (n° 7b), 102 (n° 51b), 113 (n° 62b), 194 (n° 143d), 223 (n° 172a) et 249 (n° 198b). 26 Voir figure 6 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). 27 Voir VOINOT 1999, p. 169 (n° 118), 208 (n° 157), 214 (n° 163), 318 (n° 267). 28 Voir figure 7 (cliché Rémi BRAGEU, LAMS). 29 Les études tracéologiques préliminaires de Catherine Lavier portent sur la collection des quarante-six cachets conservés à la BnF, en dépôt sur le site de Tolbiac, pendant les travaux de restauration du site de Richelieu, à compter du 1 er avril 2016. Eruditio Antiqua 9 (2017) 39 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES elle a fait deux micro-prélèvements μ d’abord dans les résidus de matière conservés au bord du trou de suspension ; ensuite dans les lettres finales des deux ligὀes de l’iὀscriptiὁὀ la mὁiὀs lisibleέ Un nouvel examen au microscope optique, à plus fort grossissement, sous lumière blanche puis sous lumière ultra-violette, a révélé que les substances résiduelles prélevées étaient vraisemblablement, dans les deux cas, des restes de matière d’eὀfὁuissemeὀtέ Catherine Lavier effectuera donc un micro-nettoyage du cachet en août 2016 afin de rendre les inscriptions plus lisibles et de prendre des mesures de haute précision dans les gravures. Les résidus de matière extraits des bords de la perfὁratiὁὀ et des iὀscriptiὁὀs serὁὀt cὁὀservés à des fiὀs d’aὀalyses complémentaires potentielles. Conclusions préliminaires La décὁuverte de ce cachet cὁrrὁbὁre l’impὁrtaὀce accὁrdée au sὁin des yeux dans le Lyon antique. Ce cachet est le cinquième découvert dans la capitale des Gaules, après les cachets de Hirpidus Polytimus et de Ferox, trouvés dans la Saône, en amont du Pont du Change et près de la Passerelle Saint-Vincent30, et les cachets de C. Iulius Lunaris et de M. Sulpicius, trouvés dans les quartiers limitrophes de Vaise et de la Sarra31. Ce cachet a surtout été trouvé à cinq cent mètres de la tombe où a été exhumé un coffret comportant les restes de vingt collyres, daté de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle après J.-C.32 Ce cachet a été trouvé dans un contexte archéologique qui ne permet pas de dater son utilisation. Cependant, ses caractéristiques morphologiques et épigraphiques nous donnent de précieuses informations sur son mode de gravure et d’utilisatiὁὀ33. De forme inhabituelle, perforé en son centre, il présente probablement quatre écritures différentes, dont deux sur un seul et même chant. Il ὁffre l’attestatiὁὀ épigraphique d’uὀ ὀὁm de cὁllyre uὀiquemeὀt cὁὀὀu jusqu’à préseὀt par deux textes médicaux grecs tardifsέ Eὀfiὀ, il cὁrrὁbὁre l’hypὁthèse selὁὀ laquelle le ὀὁm prὁpre attesté au géὀitif ὀ’est pas celui d’uὀ célèbre iὀveὀteur de recettes de cὁllyres, mais celui d’uὀ praticieὀ de reὀὁmmée lὁcale, qui confectionnait des remèdes dans une officine, peut-être à des fins mercantiles. 30 Voir VOINOT 1999, p. 124 (n° 73) et 167 (n° 116). Le cachet de Hirpidus Polytimus comporte également deux trous et une trace de suspension. 31 Voir VOINOT 1999, p. 210 (n° 159) et 303 (n° 252). 32 BOYER – BEL – TRANOY et al. 1990, p. 236. 33 δ’étude de ce cachet fait l’ὁbjet d’uὀ cὁurt-métrage intitulé « Le 346e cachet à collyres », en ligὀe à l’adresse [httpμ//videὁthequeέcὀrsέfr/dὁcο4κηκ] aiὀsi que d’uὀe séqueὀce du documentaire intitulé « δ’œil et la pierre », eὀ ligὀe à l’adresse [http://videotheque.cnrs.fr/doc=6318]. Eruditio Antiqua 9 (2017) 40 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES δes aὀalyses tracéὁlὁgiques prὁgrammées au δAεS pὁur l’été β01θ devraient fournir des informations complémentaires sur les modalités de la taille, de la perfὁratiὁὀ, de la gravure, de l’usage et de l’usure de ce ὀὁuveau cachet à collyres. BIBLIOGRAPHIE BOYER R. – BEL V. – TRANOY L. et al., 1990, « Décὁuverte de la tὁmbe d’uὀ ὁcuά liste à Lyon (fin du IIe s. après J.-C.). Instruments et coffrets avec collyres », Gallia 47, p. 215-249. KAJANTO I. 1965, The Latin Cognomina, Helsinki. PARDON-LABONNELIE M. 2009, « Du savoir au savoir-faire μ l’ὁculistique, uὀe “spécialité” médicale gallo-romaine », in Transmettre les savoirs dans le monde hellénistique et romain, Fr. Le Blay (éd.), Rennes, p. 133-153. — 2013, « Du au “cὁllyre“ », in La coupe d’Hygie. Médecine et chimie dans l’Antiquité, M. Pardon-Labonnelie (éd.), Dijon, p. 33-49. — 2014, « Uὀ ὀὁuveau regard sur la “tὁmba del medicὁ” (Morlungo, Vénétie) », Histoire des Sciences Médicales 48, p. 107-124. 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UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES Figure 1 (cliché Rémi Brageu, LAMS) Figure 2 (cliché Rémi Brageu, LAMS) Figure 3 (cliché Rémi Brageu, LAMS) Eruditio Antiqua 9 (2017) 42 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES Figure 4 (cliché Rémi Brageu, LAMS) Figure 5 (cliché Rémi Brageu, LAMS) Eruditio Antiqua 9 (2017) 43 MURIEL LABONNELIE-PARDON ET AL. UN NOUVEAU CACHET À COLLYRES Figure 6 (cliché Rémi Brageu, LAMS) Figure 7 (cliché Rémi Brageu, LAMS) © Eruditio Antiqua 2017 www.eruditio-antiqua.mom.fr eruditio-antiqua@mom.fr Image : © Kunsthistorisches Museum,Vienna Eruditio Antiqua 9 (2017) 44